[Lecture linéaire n°10] – Jean de La Fontaine, “Les deux Coqs” (1978), extrait de Fables
Introduction :
Accroche/présentation de l’auteur et du recueil
Jean de La Fontaine est un célèbre écrivain français du XVIIe siècle, considéré comme un important représentant du mouvement littéraire classique. Il était très critique envers l’abus de pouvoir de la monarchie française sous Louis XIV.
Il était un moraliste qui s’inspirait des œuvres d’Ésope ou de Pilpay pour écrire des fables. Sous sa plume, ces histoires deviennent des outils de satire qui critiquent la vanité et l’injustice des êtres humains.
Les fables de La Fontaine sont similaires au genre de l’apologue, où une histoire est racontée pour transmettre une morale, que ce soit de manière explicite ou implicite. Ainsi, elles relèvent d’une forme d’argumentation indirecte qui enseigne une leçon déguisée pour le lecteur. Le recours à des animaux comme personnages confère un aspect divertissant à ces textes.
Présentation de l’extrait : place dans l’œuvre, sujet, thèmes
“Les deux Coqs” est une fable qui a été incluse dans le livre VII du deuxième recueil des Fables, publié en 1678. Cette histoire est en fait une adaptation de la fable d’Ésope intitulée “les deux coqs et l’aigle”, dans laquelle l’accent est mis sur la valeur classique de l’imitation des Anciens et de la transmission d’une morale par le biais de l’écriture.
Le récit et la morale, ici explicite, s’étendent sur 32 vers alternant octosyllabes et alexandrins. Le but de cette fable composé d’un récit et d’une morale est d’instruire en amusant.
Dans “Les deux Coqs”, La Fontaine raconte l’histoire de deux coqs qui se battent pour une poule. Bien que cette scène soit assez banale, l’écrivain y fait référence à l’époque d’Homère, créant ainsi une parodie burlesque pour ridiculiser la vanité des duels et des conflits. En se concentrant sur une origine aussi futile que la rivalité entre deux coqs, La Fontaine critique également l’orgueil des vainqueurs et délivre une leçon d’humilité au lecteur.
Problématique/enjeux du texte
Cette scène apparemment banale contient en réalité une référence épique à l’épopée d’Homère, ce qui en fait une parodie burlesque qui tourne en dérision la futilité des duels et des conflits. Les vainqueurs arrogants sont également pris pour cible, permettant au fabuliste de transmettre une leçon d’humilité au lecteur. En somme, cette scène ridiculise la vanité des conflits et encourage la modestie.
Comment La Fontaine développe-t-il une critique des conflits humains dans cette fable ? Comment la satire de guerre concourt-elle à un éloge de la modestie et de la prudence ?
Mouvements :
- Début à “le vaincu disparut” : un combat parodique entre les deux coqs pour une rivalité amoureuse qui se solde par la fuite du vaincu.
- “Il alla” à “jalouse rage” : l’exil du coq vaincu dans une retraite où il laisse exprimer son dépit et son désir de vengeance.
- “Il n’en eut pas besoin” à “femmes en foule” : un retournement de situation, l’imprudence du vainqueur le conduit à tomber sous les griffes d’un vautour, et engendre le triomphe final du vaincu.
- “La Fortune” à la fin : la morale qui montre le manque d’humilité expose le vainqueur à un sort défavorable.
Conclusion :
Synthèse et réponse à la problématique
Cette fable est un exemple d’apologue qui vise à divertir tout en instruisant le lecteur. L’histoire amusante mettant en scène deux oiseaux sert en réalité de satire des vaniteux, qui, aveuglés par leur propre triomphe, ne prennent pas les précautions nécessaires. La parodie de l’épopée homérique suggère que derrière cette histoire plaisante se cache une dimension politique : la fable s’adresse aux puissances belliqueuses qui sont promptes à entrer en guerre pour des raisons futiles. La fable rappelle que la paix est fragile et que même les plus grands peuvent être victimes du revers de la fortune. En somme, cette fable met en garde contre les conséquences néfastes de la guerre et encourage les lecteurs à faire preuve de prudence et de modération.
Ouverture
Le conflit absurde et le retournement de situation présent dans la fable peuvent rappeler la guerre menée par Picrochole dans Gargantua de Rabelais.
Développement :
Mouvement 1 : un combat parodique entre les deux coqs pour une rivalité amoureuse qui se solde par la fuite du vaincu
- “deux Coqs”, “Poule” ➝ personnification : animaux deviennent les acteurs personnifiés d’un triangle amoureux de basse-cour.
- “vivaient en paix” ➝ imparfait duratif : situation initale.
- “survint” ➝ passé simple : élément pertubateur.
- “voilà la guerre allumée” ➝ présentatif (“voilà”) et groupe nominal à valeur accompli : conséquence immédiate de l’élément perturbateur.
- “Et voilà la guerre allumée” ➝ octosyllabe : accentue l’irruption soudaine de la violence.
- “paix”/”guerre” ➝ antithèse : basculement d’une situation à l’autre.
- “Amour” ➝ apostrophe emphatique : rupture énonciative où le narrateur s’adresse à l’amour personnifié sous la forme d’une divinité.
- “cette querelle envenimée” ➝ périphrase : désigne la bataille de poulailler.
- “Où du sang des Dieux même on vit le Xanthe teint” ➝ proposition subordonnée relative : rapproche la dispute des deux coqs de l’épisode homérique de la guerre de Troie.
- rapprochement parodique qui érige les volatiles en héros de la guerre de Troie, scène héroi-comique.
- “longtemps” ➝ adverbe complément circonstanciel de temps : effet d’ampleur, insiste sur la longueur du combat.
- “nos Coqs” ➝ déterminant possessif à la 1re personne du pluriel : inclusion du lecteur parmi les spectateurs.
- “Fut le prix du vainqueur ; le vaincu disparut” :
- deux hémistiches juxtaposés.
- “vainqueur” / ” vaincu” ➝ chiasme : oppose les deux rivaux.
- “disparut” ➝ passé simple : victoire rapide, éclipse du vainqueur.
- triomphe sans réelle importance, qui souligne la vanité, la futilité du combat.
Mouvement 2 : l’exil du coq vaincu dans une retraite où il laisse exprimer son dépit et son désir de vengeance
- “alla”, “pleura” ➝ verbes au passé simple : fuite rapide du vaincu.
- “retraite”/”défaite” ➝ rime : insiste sur l’idée de chute, de déchéance amère.
- “sa gloire et ses amours” ➝ double COD du verbe “pleura” : parodie de la lamentation du héros tragique, regrettant sa félicité et sa grandeur déchue.
- “voyait”, “à ses yeux” ➝ lexique de la perception visuelle : introduction du point de vue du vaincu.
- “cet objet rallumer sa haine et son courage” ➝ métaphore du feu présentant l’amour à un feu impossible à éteindre : dépit amoureux se transforme peu à peu en rage vengeresse.
- “amours”, “jalouse”, “rival” ➝ lexique de l’amour : motif du triangle amoureux et inspire au coq des sentiments de colère extrême (“haine”, “rage”).
- “voyait”, “possédait”, “aiguisait”, “battait”, “s’armait” ➝ verbes à l’imparfait d’habitude, longue gradation : ressassement, enfermement dans une colère belliqueuse.
- “aiguisait son bec” ➝ personnification : seule arme est “son bec”, parodie de la colère du héros épique.
Mouvement 3 : un retournement de situation, l’imprudence du vainqueur le conduit à tomber sous les griffes d’un vautour, et engendre le triomphe final du vaincu
- “il n’en n’eut pas besoin” ➝ négation : annulation, rend inutile tous les élans colériques du vaincu.
- Le vainqueur devient l’allégorie de la Vanité :
- “tout cet orgueil” ➝ métonymie.
- “vainqueur”, “victoire”, “gloire” ➝ lexique du triomphe.
- “chanter”, “entendit” ➝ bruyante déclamation que connotent les verbes.
- “Un Vautour entendit sa voix : / Adieu les amours et la gloire” ➝ ellipse temporelle : renforce la soudaineté de ce coup du sort.
- “Un Vautour” ➝ allégorie de la Mort : frappe soudainement le coq initialement victorieux.
- “enfin”, “fatal retour” ➝ ironie du sort qui accompagne le dénouement de la fable.
- “son rival” ➝ désigne le coq initialement vaincu : introduit par le verbe au passé simple “s’en revient”.
- “rival”, “coquet”, “poule”, “caquet” ➝ décalage héroi-comique.
- “coquet”, “caquet” ➝ rime : triomphe final du coq, nouveau vainqueur, est cependant discrédité par l’ironie.
Mouvement 4 : la morale qui montre le manque d’humilité expose le vainqueur à un sort défavorable
- “se plaît”, “travaille” ➝ présent de vérité générale : résume la fable et introduit une allégorie de la Fortune.
- “tout” ➝ déterminant indéfini : La Fontaine montre que son récit s’applique à chacun, valeur de généralité.
- “défions-nous” ➝ impératif et inclusion de l’auteur dans l’audience : mise en garde formulée et qui implique aussi le fabuliste.
- “Après le gain d’une bataille” ➝ complément circonstanciel de temps : morale qui invite à une attitude de défiance et de modération.
- Il ne s’agit pas d’une victoire définitive, les aléas de la Fortune sont tels qu’ils font des vaincus d’hier les triomphateurs du lendemain.
- La Fontaine montre combien la réussite est un état précaire, illusoire.